Toranks
"Triste fée"
"Un dessin qui m'a Ă©tĂ© inspirĂ© par cette courte nouvelle. J'ai un coup de cĆur pour cette derniĂšre alors je vous invite Ă la lire."
Assise sur un champignon rouge Ă pois blancs, la tĂȘte entre ses mains, ses cheveux longs cachant son dĂ©licat visage, FĂ©e pleurait. Ses Ă©paules Ă©taient secouĂ©es de longs spasmes qui serraient sa poitrine nue et sa fine gorge. Une fĂ©e qui pleure ? Rare n'est-ce pas en terres magiques ?... Et pourtant celle-ci pleurait toutes les larmes de son corps. Ses sĆurs l'avaient prĂ©venue :
- Les humains sont Ă©tranges, versatiles, grossiers et avides !
- Ne t'en approche jamais, n'essaie pas de les aider, ils ne comprendraient pas.
Elles lui ont tout dit, tout ce qu'il faut pour ne pas avoir mal, mais elle est tombée dans le piÚge comme bon nombre d'entre celles qui lui ont prodigué de si sages conseils. Elles parlaient en connaissance de cause.
Elle pleure toujours, Champignon en est tout mouillĂ©. Et tout triste. Tant de douleur quand il fait si beau... Il lui est venu Ă l'idĂ©e de la consoler mais comment faire quand on n'a ni bouche ni bras ni mains ? Gros Champignon rouge Ă pois blancs se met alors lui aussi Ă pleurer de tous ses spores. FĂ©e et Champignon pleurent donc de concert sur la stupiditĂ© d'un monde qui ne peut rĂ©aliser leur rĂȘve, elle celui d'ĂȘtre aimĂ©e d'un homme au regard couleur du ciel, lui un corps pour consoler sa fĂ©e. Un rayon de soleil illumine sa chevelure, une caresse du vent fait tinter les grelots qu'elle porte Ă ses dĂ©licates chevilles, un papillon tente de franchir le mur de sa peine, une coccinelle se pose Ă cĂŽtĂ© de sa dĂ©tresse, toute la nature s'agite pour la secouer de sa torpeur humide :
- Regarde autour de toi, lui murmure Coccinelle à l'oreille entre deux bruissements de ses ailes noires. Tout est toujours là ! Rien n'a changé !
- Vois comme je vole pour toi, chante Papillon en faisant looping sur looping pour gagner un sourire qui pareraient ses ailes rouge rubis.
- HOoouuui, ils ont raison FĂ©e ! Phooouuurquoi pleurer quand la vie bat autoouuur de toi ? tente un gros et sage Hibou venu se poser lĂ pas par hasard. Sais-tu ce qu'il manque Ă ce merveilleux paysage ?
Elle lĂšve sa jolie tĂȘte et repousse d'une main ses cheveux tissĂ©s de perles, plantant ses yeux dorĂ©s dans ceux du volatile philosophe :
- Non ?... finit-elle par soupirer d'une voix enrouée.
- Tes yeux, ma FĂ©e ! Tes yeux poouuur nous rendre beaux.
- Va-t-en ! Tu ne peux pas comprendre, s'exclame-t-elle dans un sanglot. Je n'ai pas envie d'entendre tes sornettes ! Va-t-en avant que je te transforme en corbeau.
- Te sentirais-tu mieux ?
Elle réfléchit, plissant un nez rebelle.
- ... Non.
Non rien ne peut la consoler et il n'existe aucun charme contre les peines de
cĆur, d'autant plus quand il s'agit d'un humain. Ses soeurs ont essayĂ© Ă maintes reprises, mais finalement seul le temps est capable d'attĂ©nuer le feu de ce genre de blessures, rarement de les guĂ©rir.
- On m'avait pourtant prévenue, gémit-elle en se tordant les mains.
Champignon soupire. Ce n'est pas la premiĂšre fois qu'une FĂ©e pleure sur sa tĂȘte, Ă croire qu'il est le seul dans le coin, comme si elles s'Ă©taient toutes donnĂ©es le mot... Et toujours les mĂȘmes litanies. Il se dit qu'il est temps de devenir sage Ă sont tour.
- Tu as fait ta propre expérience, avance tendrement vieil Hibou en clignant des yeux en guise de sourires. C'est fait, doooouuuuce Fée, maintenant tu sais.
Deux plis apparaissent sur le front de la Princesse des Bois d'ordinaire aussi lisse que de la nacre.
- Mais pourquoi ? J'ai tout fait ! Pourquoi ne me voit-il pas ?
- Tooouuut un univers voous sépare.
- Il n'est pas loin d'ici
- Ici hoouuu de l'autre cĂŽtĂ© de la galaxie est du pareil au mĂȘme quand tu es FĂ©e et lui Homme.
- Pourtant nous nous ressemblons ? Enfin, un peu... se souvient-elle en battant des ailes.
- Comme la pyrite Ă de l'or...
Elle ouvre ses deux mains et fait apparaßtre deux pépites qu'elle contemple en tentant d'apprécier leurs différences, mais pour elle l'une et l'autre sont aussi précieuses. Elle hausse les sourcils :
- Dans l'Ă©chelle de l'Ă©volution FĂ©e tu es et Homme il est. Ton cĆur est sorti de la gangue hooouuuĂč le sien est encore prisonnier. Ainsi sont les choses puisque tu es FĂ©e et qu'il est homme.
- Alors jamais nous ne pourrons nous rejoindre ?
- Quand son coeur brillera comme le tien.
Coccinelle, Papillon et Champignon en restent cois. Vieil Hibou rĂ©ussira-t-il lĂ oĂč ils ont tous Ă©chouĂ© ?
- Comment le faire briller ? l'interroge FĂ©e. Aucune magie n'y parviendra...
- En le laissant suivre son chemin sans interférer. Lui seul a le pooouvoir d'illuminer son coeur.
- Tu crois qu'un jour ?... ose-t-elle espérer.
Hibou déplie ses ailes et cligne plusieurs fois des yeux, Hibou rit beaucoup de tant d'innocence.
- Hoouuu... Le temps qu'il t'a fallu. Hoouuu plus, hoouu moins, qui sait ?... Sinon lui. Mais je vais te dire un secret qui me vient de thoouut là -haut : ce jooour viendra aussi sûr qu'aprÚs la pluie vient le beau temps et aprÚs les larmes ton rire.
- Souris, FĂ©e ! s'empresse de lui crier Papillon en se posant sur sa tĂȘte.
- Allez ! Fais-nous rire ! surenchérit Coccinelle en agitant ses antennes rouges pour lui chatouiller le nez.
- Allez ! frissonne Champignon. Vole et Ă©claire le monde!
Dans un grand Ă©clat de rire qui se transforme aussitĂŽt en poussiĂšres d'or, FĂ©e s'envole dans un tourbillon d'Ă©toiles.