May 20, 2017

Une Fée pleurait



Toranks
"Triste fée"

"Un dessin qui m'a été inspiré par cette courte nouvelle. J'ai un coup de cœur pour cette dernière alors je vous invite à la lire."






Assise sur un champignon rouge à pois blancs, la tête entre ses mains, ses cheveux longs cachant son délicat visage, Fée pleurait. Ses épaules étaient secouées de longs spasmes qui serraient sa poitrine nue et sa fine gorge. Une fée qui pleure ? Rare n'est-ce pas en terres magiques ?... Et pourtant celle-ci pleurait toutes les larmes de son corps. Ses sœurs l'avaient prévenue :
- Les humains sont étranges, versatiles, grossiers et avides !
- Ne t'en approche jamais, n'essaie pas de les aider, ils ne comprendraient pas.
Elles lui ont tout dit, tout ce qu'il faut pour ne pas avoir mal, mais elle est tombée dans le piège comme bon nombre d'entre celles qui lui ont prodigué de si sages conseils. Elles parlaient en connaissance de cause.

Elle pleure toujours, Champignon en est tout mouillé. Et tout triste. Tant de douleur quand il fait si beau... Il lui est venu à l'idée de la consoler mais comment faire quand on n'a ni bouche ni bras ni mains ? Gros Champignon rouge à pois blancs se met alors lui aussi à pleurer de tous ses spores. Fée et Champignon pleurent donc de concert sur la stupidité d'un monde qui ne peut réaliser leur rêve, elle celui d'être aimée d'un homme au regard couleur du ciel, lui un corps pour consoler sa fée. Un rayon de soleil illumine sa chevelure, une caresse du vent fait tinter les grelots qu'elle porte à ses délicates chevilles, un papillon tente de franchir le mur de sa peine, une coccinelle se pose à côté de sa détresse, toute la nature s'agite pour la secouer de sa torpeur humide :
- Regarde autour de toi, lui murmure Coccinelle à l'oreille entre deux bruissements de ses ailes noires. Tout est toujours là ! Rien n'a changé !
- Vois comme je vole pour toi, chante Papillon en faisant looping sur looping pour gagner un sourire qui pareraient ses ailes rouge rubis.
- HOoouuui, ils ont raison Fée ! Phooouuurquoi pleurer quand la vie bat autoouuur de toi ? tente un gros et sage Hibou venu se poser là pas par hasard. Sais-tu ce qu'il manque à ce merveilleux paysage ?
Elle lève sa jolie tête et repousse d'une main ses cheveux tissés de perles, plantant ses yeux dorés dans ceux du volatile philosophe :
- Non ?... finit-elle par soupirer d'une voix enrouée.
- Tes yeux, ma Fée ! Tes yeux poouuur nous rendre beaux.
- Va-t-en ! Tu ne peux pas comprendre, s'exclame-t-elle dans un sanglot. Je n'ai pas envie d'entendre tes sornettes ! Va-t-en avant que je te transforme en corbeau.
- Te sentirais-tu mieux ?
Elle réfléchit, plissant un nez rebelle.
- ... Non.
Non rien ne peut la consoler et il n'existe aucun charme contre les peines de cœur, d'autant plus quand il s'agit d'un humain. Ses soeurs ont essayé à maintes reprises, mais finalement seul le temps est capable d'atténuer le feu de ce genre de blessures, rarement de les guérir.
- On m'avait pourtant prévenue, gémit-elle en se tordant les mains.
Champignon soupire. Ce n'est pas la première fois qu'une Fée pleure sur sa tête, à croire qu'il est le seul dans le coin, comme si elles s'étaient toutes données le mot... Et toujours les mêmes litanies. Il se dit qu'il est temps de devenir sage à sont tour.
- Tu as fait ta propre expérience, avance tendrement vieil Hibou en clignant des yeux en guise de sourires. C'est fait, doooouuuuce Fée, maintenant tu sais.
Deux plis apparaissent sur le front de la Princesse des Bois d'ordinaire aussi lisse que de la nacre.
- Mais pourquoi ? J'ai tout fait ! Pourquoi ne me voit-il pas ?
- Tooouuut un univers voous sépare.
- Il n'est pas loin d'ici
- Ici hoouuu de l'autre côté de la galaxie est du pareil au même quand tu es Fée et lui Homme.
- Pourtant nous nous ressemblons ? Enfin, un peu... se souvient-elle en battant des ailes.
- Comme la pyrite à de l'or...
Elle ouvre ses deux mains et fait apparaître deux pépites qu'elle contemple en tentant d'apprécier leurs différences, mais pour elle l'une et l'autre sont aussi précieuses. Elle hausse les sourcils :
- Dans l'échelle de l'évolution Fée tu es et Homme il est. Ton cœur est sorti de la gangue hooouuuù le sien est encore prisonnier. Ainsi sont les choses puisque tu es Fée et qu'il est homme.
- Alors jamais nous ne pourrons nous rejoindre ?
- Quand son coeur brillera comme le tien.
Coccinelle, Papillon et Champignon en restent cois. Vieil Hibou réussira-t-il là où ils ont tous échoué ?
- Comment le faire briller ? l'interroge Fée. Aucune magie n'y parviendra...
- En le laissant suivre son chemin sans interférer. Lui seul a le pooouvoir d'illuminer son coeur.
- Tu crois qu'un jour ?... ose-t-elle espérer.

Hibou déplie ses ailes et cligne plusieurs fois des yeux, Hibou rit beaucoup de tant d'innocence.
- Hoouuu... Le temps qu'il t'a fallu. Hoouuu plus, hoouu moins, qui sait ?... Sinon lui. Mais je vais te dire un secret qui me vient de thoouut là-haut : ce jooour viendra aussi sûr qu'après la pluie vient le beau temps et après les larmes ton rire.
- Souris, Fée ! s'empresse de lui crier Papillon en se posant sur sa tête.
- Allez ! Fais-nous rire ! surenchérit Coccinelle en agitant ses antennes rouges pour lui chatouiller le nez.
- Allez ! frissonne Champignon. Vole et éclaire le monde!
Dans un grand éclat de rire qui se transforme aussitôt en poussières d'or, Fée s'envole dans un tourbillon d'étoiles.



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