November 5, 2017

L'édito du dimanche : Anticonformiste


Avant de me tourner vers la prose, j'étais poète. Il parait que de nombreux écrivains en passent par là. La poésie permet de se concentrer sur l'émotion et l'essentiel. Je me suis arrêté le jour où j'ai lu "Les dix commandements de l'école du style" de Nietzsche : "S'approcher de la poésie jusqu'à la frôler, mais sans jamais franchir la limite qui l'en sépare." J'ai suivi chacun de ses Commandements et je lui dois tout (à la fin du poème pour les écrivants).



Anticonformiste


Je ne suis pas raisonnable
Je ne suis ni conforme ni conventionnel
Je ne mange pas comme il faut
Je ne dors pas quand il faut
Je fais rien comme il faudrait
Je me tais quand je devrais parler
Et commente ce qui doit être tu
Je n'ai aucune conscience de l'âge
N'assure pas mes arrières
Ne crois en aucune patrie
N'ai fait aucune guerre
Et n'en appelle aucune
Je ne suis pas à la mode
Aucun système ne me va
Je me fous de l'institution
Et ne crois plus au dieu des cathos
Je ne suis pas fort
Je ne suis pas grand
Je ne fais pas de sport
Et je hais le foot
Á l'inquisition, on m'aurait brûlé
Pour tout ce que je clame
Mes mots pour notre liberté
Pinochet m'aurait fusillé
Staline déporté
Hitler gazé
Et Bush me punirait
Pour ma différence
Dans ma société je suis paumé
C'est sûr
J'ai dû me tromper d'époque
Peut-être dans mille ans d'ici
Aurons-nous enfin compris





Nietzsche, Les dix commandements de l'école du style.




1. Ce qui importe le plus c'est la vie : le style doit vivre.

2. Le style doit être approprié à ta personne, en fonction d'une personne déterminée à qui tu cherches à communiquer ta pensée (loi de la double réaction).

3. Avant de prendre la plume, il faut savoir exactement comment on exprimerait de vive voix ce que l'on a à dire. Écrire ne doit être qu'une imitation.

4. L'écrivain est loin de posséder tous les moyens de l'orateur. Il doit donc s'inspirer d'une forme de discours très expressive. Son reflet écrit semblera de toute façon beaucoup plus terne que son modèle.

5. La richesse de vie se traduit par la richesse des gestes. Il faut apprendre à tout considérer comme un geste : la longueur et la césure des phrases, la ponctuation, les respirations ; enfin le choix des mots et la succession des arguments.

6. Gare à la période ! Seuls y ont droit ceux qui ont un souffle très long en parlant. Chez la plupart, la période n'est qu'une affectation.

7. Le style doit montrer que l'on croit en ses pensées, pas seulement qu'on les pense, mais qu'on les sent.

8. Plus est abstraite la vérité que l'on veut enseigner et plus il importe de faire converger vers elle tous les sens du lecteur.

9. Le tact du bon prosateur, dans le choix de ses moyens, consiste à s'approcher de la poésie jusqu'à la frôler, mais sans jamais franchir la limite qui l'en sépare.

10. Il n'est ni sage ni habile de priver le lecteur de ses réfutations les plus faciles ; il est très sage et très habile, en revanche, de lui laisser le soin de formuler par lui-même le dernier mot de notre sagesse.



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